vendredi 1 août 2008

Beyrouth, ou la galère musicale



Une trop longue absence loin des mots, loin du net. Mais toujours dans la musique, de plus en plus même. Cette fois c’est un peu différent, cette fois c’est en coulisses. Dans les méandres de la musique locale. Et croyez-moi, des fois, souvent, voire toujours, c’est la galère pour les musiciens, nos musiciens.
Un musicien libanais a les pieds sur terre, et un regard dans le rêve. Obligé de garder le contact avec la réalité sinon il est ravalé par la stupidité d’un peuple ignare, débile, assoiffé de facilité, de commercialisation à outrance et nourri de ce fameux air de la bêtise. Caustique peut-être, sévère sûrement, mais à juste titre. Je ne supporte plus cette opulence libanaise, cette bombance festive et bling-bling à paillette et dorure. Cette opulence qui prétend vouloir acheter l’âme de l’art, l’âme de la musique, l’âme des musiciens.
Mais eux c’est sur scène que leur réalité se concrétise. Au Bar Louie ce soir, ils s’en sont donnés à cœur joie. Percussions, piano et basse, les notes affleuraient l’esprit du jazz, cette entité évanescente que les musiciens coincent dans leurs instruments, qu’ils touillent et triturent pour l’offrir au public, à ces personnes qui s’entassent tous les soirs dans les pubs beyrouthins. Inconscientes des heures de labeur passées à s’entraîner, à accorder les instruments, le son, à peaufiner le moindre détail pour que la communion sur scène soit contagieuses, pour que le public s’enflamme et ressente les réverbérations musicales jusque dans sa chair, pour que la scène à son tour bouillonne davantage… pour que le public… pour que la scène… pour que…


Spectatrice assidue et silencieuse de ce va-et-vient oscillant, je m’essaie au jeu de rôle. Une fois je suis ces cordes que Jean Madani coince entre ses doigts, l’autre les murmures que Tarek Yamani engendre sur son clavier, ou les baguettes que Khaled Yassine ou Samer Zagher font résonner sur leurs caissons, puis ces graines que Selman Baalbacki secoue au fond de ses percussions… et au-delà jaillit la voix de Florinda Piticchio et ses airs de latin jazz, à l’italienne pourquoi pas… Des moments suspendus où l’intensité le dispute à l’extase, où phrasés, mélodies et paroles s’enchevêtrent… jusqu’aux applaudissements à chaque morceau…

Et après ! Après les applaudissements, branle-bas de combat… Avant les applaudissements aussi. Parce que parmi la horde d’ignares, se trouve l’une des bêtes noires des musiciens : les propriétaires des pubs, des clubs, des restaurants et autres endroits réceptacles de la musique… Près de leurs sous, ce n’est pas autant cela, en tout cas ce serait compréhensible, après tout rares sont ceux qui ont ouvert leurs portes pour les beaux yeux de l’art… Mais l’indécence a ses limites… quand elle oblige un faiseur de magie à moduler ses sons… à regretter l’espace de plusieurs vies de chambouler des vies…
De retour du Bar Louie, je me suis finalement décidée à tenter d’écrire ces quelques lignes. La musique me berce encore, pleine de tristesse et de mélancolie. Mais il restera toujours une image : la communion scénique en musique et le dialogue des instruments et des musiciens, le sourire complice entre leur regards…






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