jeudi 19 juin 2008

Beyrouth, l'obsession.



Ils sont là depuis plus d'un an.






Ils sont toujours partout.






lundi 9 juin 2008

L'Astrale

Encore une fois, place à la musique. Décidément je penche de plus en plus ces temps-ci à penser que c’est le plus bel art au monde (en général, la littérature a de tout temps comblé tous mes besoins, mais bon… heureusement qu’on change avec l’âge…). Et puis il faut pas oublier que les concerts foisonnent au Liban ces quelques jours. En attendant les festivals de l’été (on va avoir une belle surprise à Byblos, je crois, à part les aficionados de Mika qui vont se ruer pour applaudir la star du moment… faut bien encourager ceux qui ont du sang libanais, non ?) les Libanais ont eu l’immense plaisir de baigner dans la musique du terroir. Charbel Rouhana et Ziyad Sahhab ont déjà donné «ce qu’ils ont de plus beau» sur la scène du théâtre Babel. Puis ce fut au tour de Rima Khcheich d’enchanter le public à l’occasion du lancement de son dernier CD : Falak. Je ne vais pas m’étaler sur le concert… mais sur l’album que je repasse en boucle depuis…



Ca ne fait pas très longtemps que je suis une fan de la musique libanaise, à part les légendaires Feyrouz et Marcel Khalifé. Mais là c’est le coup de foudre! Rima Kcheich a su extraire l’essence même de la sensualité libanaise, ce romantisme oriental, nostalgique et mélancolique dans sa voix, son interprétation, l’oscillation de ses intonations, émouvante et désarmante, tissant une liaison directe et empreinte d’émotion avec ses auditeurs, de tous les âges… Il y a deux jours, j’ai eu une discussion avec une de mes connaissances. On tentait de déterminer lequel des albums de Rima Kcheich est le plus beau : eh bien pour moi, il n’y a pas de doute : c’est Falak. Les mélodies sont tellement bien structurées qu’elles forment un écrin soyeux à la voix enrobée de Rima. Pourtant, à la 1ère écoute et durant le concert, je n’ai pas toute de suite accrochée. Mais au fur et à mesure que j’enchaîne les écoutes, cet album me devient indispensable et je me retrouve à fredonner les chansons, tout au long de mes journées.

Alors pour le plaisir des arabophones, un extrait de la chanson éponyme, un texte de Issam al-Hajj3ali

هيدي الغنية لإلك
دواير ونجوم وفلك
رفقة قمر ولمسة هنى
ما هيي قوية جازبيتك
كل الإشيا وانا عم نوقع بحبك
أخر صورة إنت قبل ما إحلم فيك
رمشة عين وما في حدا غيرك
كأنو الحلى ما بأ يكفيك
وإذا الخمر العتيق ما بيرويك
خمر الحكي شو رح يعمل معك

وجوابك هيئتو الله يعافيك
وسمحلي لأخر مرة خبرك
قبل ما إرجع ضيّعك
هيدي الغنية لإلك


Et un semblant de traduction:

Cette chanson est à toi
Orbite, étoile et astre
La lune compagne et une touche de félicité
Ton attraction est tellement forte.
Toutes les choses et moi tombons amoureux de toi
Tu es la dernière image avant que je rêve de toi
Un coup d’œil et il n’y a personne d’autre que toi
Comme si la beauté ne te suffisait plus
Et si l’antique vin ne te désaltère pas
Qu’en sera-t-il du vin des paroles !

Ta réponse semble… (intraduisible)
Permets-moi pour la dernière fois de te dire
Avant de te perdre à nouveau
Cette chanson est à toi

Faut que je bosse, c’est à dire faut que j’écoute d’autres CD… Mais je n’y arrive pas. Rima trotte toujours dans ma tête. Mais bon, un petit effort et ça y’est.
Donc musique toujours, mais cette fois en dehors de la géographie libanaise, avec deux très grands artistes : Patti Smith et Nick Cave et leur dernier album que j’ai finalement pu écouter.
Dans «Twelve», la légendaire chanteuse de «Gloria», nous revient, sexagénaire cette fois, avec des reprises folk, et sa voix éraflée si particulière reprend certaines des plus belles chansons des plus grandes figures du rock : Rolling Stones, The Doors, Bob Dylan, Neil Young… et Nirvana. Son «Smells like teen spirit» dépaysera plus d’un…
Et Nick Cave alors : «Dig !!! Lazarus Dig !!!». Nick Cave a réellement creusé et touillé les entrailles de sa musique pour offrir ce bijou. Et ces petits «dribbles» très rythmés de «Moonland»…

jeudi 5 juin 2008

Beyrouth frétille

Cette fois juste une envie: montrer un des cachets obsessionnels de Beyrouth, la ville qui guette.








Beyrouth qui guette ses artistes pour habiller ses façades inertes.







Une série de photos suivra pour un parcours fantasmagorique à travers les ruelles beyrouthines.

mardi 3 juin 2008

Cercle vicieux

Il est vrai que je tourne en rond, que je raconte la même chose ; Beyrouth en fonction des guerres : l’ancienne, la plus ancienne, la nouvelle, celle à venir, celle d’un jour… et les dates et les qualificatifs qu’on y colle, en profusion. En général c’est du noir, et jamais le terme honteux, étant donné que les Libanais sont tout le temps manipulés par je ne sais quelle force externe obscure qui s’acharne sur nous. Ah, le complot, le complot !!!

Mais je crois que c’est une manière de dire que ces pages du passé, qu’on tourne si fréquemment au Liban, ne se tournent pas si facilement au quotidien, malgré les apparences d’euphorie qui nous empoignent à chaque déclaration d’accord et d’entente des gouverneurs d’ici et d’ailleurs. Ces guerres et ces pages noires, on les vit au quotidien, à chaque pas qu’on fait dans la rue, à chaque mot qu’on prononce dans une conversation, à chaque image qui nous effleure, même dans nos rêves, même dans notre volonté de les dépasser, de montrer une autre facette des Libanais.

Ces guerres sont inhérentes à notre existence. Et chaque page du passé, tournée ou non, est écornée à son petit bout et compilée dans le Grand Livre des Souvenirs individuels. On y revient souvent pour se documenter, établir des comparaisons et tenter d’en tirer une synthèse. Mais peine perdue, on continue à vivre d’instants saisis à la hâte, volés au provisoire… Et c’est en cela que réside l’intensité du moment, je crois. Ou l’illusion de vivre quelque chose d’intense.
A moins que tout simplement, il faut que je sorte un peu de Beyrouth.

lundi 2 juin 2008

Un code de la route réversible

La manière de conduire des Libanais est légendaire ! Tout le monde le sait, notre réputation nous a devancé aux quatre coins de la planète. Il y a vraiment de quoi sourire, profondément…
De klaxons tonitruants, en passages à sens inverse spectaculaires, en insultes, en tochfit, en démonstration frém id ou bitwinét… et j’en passe. Et puis il y a les feux de circulation routière…Toute une histoire avec ces bidules longilignes qui sont installés au Liban depuis un peu plus d’une décennie, pas plus… Nous n’y sommes pas encore complètement habitués, nous aimons prendre notre temps en général, pour explorer les nouveautés, s’y accoutumer petit à petit…Et pour preuve supplémentaire, l’arrêt au feu rouge varie en fonction des tribulations de notre pays.

En mai 2008, après la mini-guerre civile qu’on a eu, le passage d’Acharfieh à Hamra a été dur durant les quelques jours qui ont suivi la fameuse prise de Beyrouth… Francs-tireurs, miliciens armés, angoisse, rues désertes, semi désertes et visages hagards. Feu ou pas feu, l’essentiel était d’arriver à bon port, le plus rapidement possible, avec un minimum d’attention. Et une hantise, surtout ne pas s’éterniser face à un feu. Une position facile et accessible à tout badaud armé…
Sans oublier qu’après la levée du sit-in du centre ville, qui rendait impraticable une grande partie des rues, donc inutile une grande partie des feux, il a fallu s’habituer à nouveau à la convergence des voitures aux multiples croisements, et à l'ordre établi par la signalisation routière.
Durant la guerre de juillet 2006, il fallait beaucoup de patience et d’auto encouragement. Il ne s’agissait pas simplement d’attendre que le feu vire au vert, mais qu’il y ait une autre voiture (surtout pas un camion !) à côté ou derrière la mienne…La logique du moment m’imposait, pour je ne sais quelle raison, la nécessité de ne pas être la seule voiture à traverser un des ponts de la capitale, avec les menaces et les rumeurs qui circulaient comme quoi ce fameux pont, reliant les deux côtés de Beyrouth, serait une des prochaines cibles de l’armée israélienne. Mais on ne savait pas le timing, alors on appuyait de toutes nos forces sur l’accélérateur… Une fois engagée sur la route, plus moyen de faire marche arrière. Je n’ai jamais auparavant de ma vie dépassée, et de loin, les 100 km sur cette route.

Et en temps normal, alors ? (ou ce qu’on peut appeler normal au Liban). Un soir sur mon trajet de Hamra à Achrafieh, comme à mon habitude, je m’arrête à un feu rouge. Evidemment j’étais la seule. Emportée par la musique qui émane de mes baffles, un coup furtif sur la vitre me fait sursauter. Un militaire, l’air renfrogné me dévisage. J’ouvre la vitre, et voilà qu’il me demande pourquoi je suis garée en plein milieu de la route ! J’ai l’air suspecte toute seule… qu’est-ce que j’en sais moi… c’est lui le pro ! Sans un mot, je lui indique ce petit clignotant ROUGE au bout. Enervé, il m’ordonne de bouger avec ce geste désinvolte de la main qui veut dire : «mich ma3oul, chou béla fadé !» (traduction : «elle n’a rien d’autre à faire de plus important, celle-là»). Et je suis partie, comme on me l’a fait comprendre.
Et depuis…

Et depuis, rien n’a changé. Je continue à respecter le feu rouge, en attendant qu’ON m’ordonne à nouveau de le brûler…Ou qu’on ait une nouvelle guerre…
Ah, pouvoir récolter toutes les histoires relatives à la circulation à Beyrouth, à la manière de conduire des Libanais. Un régal. A propos, pour ceux qui ne connaissent pas, le plus beau texte et le plus hilarant que j’ai jamais lu sur ce sujet, rédigé par une main de maître, celle du metteur en scène libanais Elie Karam : «La route de soi» disponible dans le numéro spécial de la Pensée de Midi (no20-mars 2007) consacré à notre cher pays : «Beyrouth XXIe siècle»… Vous serez sûrement catalogué parmi les personnes qui rient toutes seules face à un bouquin…

dimanche 1 juin 2008

L'authentique présent

Le Liban a de ces merveilles. De quoi vous garder émerveillée toute une vie. Je l’espère, j’en suis convaincue… En une semaine, une révélation et le renouvellement d’une révélation.

D’abord la « Rue de Damas » d’Antoine Boulad. J’ai longtemps hésité à l’acheter ce bouquin, mais bon, ce fut un coup de hasard. Déambulant à Hamra avant de déjeuner au Regusto, je m’achète de quoi lire entre deux bières. Et ce fut la « Rue de Damas », vu à travers le prisme d’un invétéré des méandres de cette rue, avant la guerre, durant la guerre et après la guerre…. Etrange de découvrir cette légendaire rue en pleine Hamra, alors que je suis toujours en train de découvrir cette autre plus légendaire rue qu’est Hamra, et qui, soit dit en passant, a vécu une mini-guerre des rues concentrée… Sur la devanture d’un magasin il y avait des traces de balles éclatées sur les vitres… ça m’a pris du temps pour déceler, en pleine foule, l’origine de ces déformations… Amnésie quand tu nous tiens ! Enfin, l’amnésie se reconstitue rapidement. L’envie de partir à la recherche de ces fragments qui appartiennent à chaque individu à part entière, qui appartiennent à la race libanaise toute entière. «J’aurai néanmoins appris à décliner la mort à tous les temps, sans l’apprivoiser».

Ensuite direction le T-Marbouta pour un concert de Ziyad Sahhab et Shahhadeen ya Baladna. Plus le temps passe et plus je m’attache à cette musique, viscéralement. Même si on conteste l’utilisation du mot tarab, n’empêche que c’est le cas, de quoi vous laisser voguer sur les reflets d’une culture, la nôtre, toute en musique. Il y a une semaine, quand j’interviewais Charbel Rouhana, à l’occasion de la sortie de son dernier CD : Homemade (d’une pure beauté d’ailleurs, et pour ceux qui hésitent à découvrir sa musique, un conseil, n’hésitez pas à le faire, le voyage est plus que garanti, ça a été le cas pour moi) il m’a dit que peut-être la surprise dans son album, c’est qu’il renvoie l’auditeur à un univers qui lui est tellement familier, son propre inconscient collectif musical. Est-ce suffisant pour décrire la scène alternative libanaise ? C’est déjà un premier pas. Je pense que la force de notre musique et de nos artistes c’est précisément qu’elle réside dans cet ancrage, dans ce passé tourné vers l’avenir. Une scène qui puise dans ce qu’on a de plus beau pour le propulser vers de nouveaux horizons. Viscéral je vous dis, ça vient des entrailles, et ça y revient, ça vous prend aux tripes…en force. Au T-Marbouta, chaque coup de oud, de basse, de percussion, de qanoun me faisait tournoyer dans cet anachronisme étrange et sublime.





Beyrouth, la ville du rêve, la ville de la chair…